mercredi 9 avril 2014

L'enfer rouge

20/03/14 à Lilongwe
Jour 214 - étape 172 - 73km

Le réveil est positionné à 5h30 pour prendre un petit déjeuner et partir avant que la foule ne vienne m'observer. Je verrais le soleil se lever derrière les collines puis Bandawe et le proviseur arrivent déjà. Les gens aussi m'observent de loin. J'enfile le petit dej en vitesse, plie la tente encore humide et file sur le chemin, le ciel est couvert et "maybe" qu'il va pleuvoir. 

La piste est bonne et contine à monter, serpentant sur les versants des montagnes. Parfois il faut que je descendes et pousse car la piste est trop raide, ravinée par la pluie et pleine de cailloux.
De plus en plus couvert! "Maybe", il commence à goûter, j'enfile pantalon et guêtres, mon polo est déjà trempé de sueur, il fait lourd. Et puis, il goutte de plus en plus et de grosses gouttes. Je vois le ciel se couvrir et une brume descendre sur les sommets. J'enlève mes lunettes, cela ne me sert plus à rien entre les gouttes et la brume mais il faut quand même que je fasse attention aux trous et bosses. Je croise un gars à vélo qui me dit que la route se détériore mais que cela passe.  Effectivement, il faut que je descende et évite les trous d'eau. Puis énorme pluie, je me cherche un abri sous une hutte avec d'autres personnes, la pluie tombe verticalement mais après 15 minutes cela se calme, façon de parler. Je décide de repartir mais cela devient galère, une pente, avec mes chaussures et les pneus d'azimut, on patine, impossible de rouler et de pousser. La montée sera éprouvante.

Plusieurs fois, des autochtones me feront rebrousser chemin car la route "is broken", du coup je passe sur un sentier entre des maïs plus hauts que moi, parfois sur un pont fait de rondin de bois à moitié écroulé. "Chutes à l'avant du peloton" mais sans conséquences, juste quelques glissades qui colorent mes sacoches de rouge. Mes pneux continuent à rouler mais difficilement, je ne vois plus, ni les crampons, ni mes freins, mes chaussures et guêtres sont elles aussi recouvertes. Je constate que le compteur ne fonctionne plus sûrement la boue. Ce matin, il m'a fait le coup de la pile qui se vide. J'en ai plein les mitaines, ayant mis les mains à terre pour me réceptionner. J'ai encore le sourire et me dis que je préfère être là qu'au bureau. Je raccroche une plus grande route, vois les camions embourbés et les ponts à moitié écroulés, cela me rassure de me dire que je peux encore rouler. 

3h pour faire 23km et arriver à Dowa. Là, un gars me propose de nettoyer mon vélo et mes sacoches, ce qu'il fera sommairement, avec ces moyens du bords (mains et bidons) et contre rétribution pendant que je mange mon assiette de frites.

Donc je pars pour Lilongwe quand résonne un bruit d'explosion à l'arrière, ma chambre à air vient d'éclater, lors du remontage je constate que le pneu est déchiré (encore une fois et après 1500km seulement), j'arriverai à acheter un exemplaire à dowa, coup de chance. Démontage et remontage avec 50 personnes derrière moi, il faut dire que je suis au centre du village. Je constaterai que le câble du compteur est sectionné. 

Second départ, revoilà l'asphalte et le soleil, je viens de passer une dernière fois le rift. Devant moi s'étend une plaine avec des pitons rocheux. Je profite de la descente et du beau temps pour faire sécher mes affaires sur mon gros sac à l'arrière.
Cela roule bien, vent dans le dos et plat mais à 5km de Lilongwe, crevaison à l'avant, je pompe, fais 3km et abandonne, je me dis que je réparerai à la guesthouse. J'avoue en avoir eu un peu marre, un moment de découragement, je suis sale, fatigué et j'ai qu'une envie me doucher, me poser dans un canap et regarder un film. 

Un petit gars dans un stand sur le bord de la route me force un peu la main pour réparer mon pneu ce qu'il fera en 20min pour 1€ et avec le sourire, il n'a même pas de pompe.
Je me remet à rouler et grâce au gps, je trouve un hôtel pas cher, le mufasta, où en larmoyant un peu, je dois avoir une sale tête, je dors dans un dortoir seul au lieu de camper. Je fais sécher la tente, lance une machine (je fais tremper mes fringues dans le washing bag) et bois un bon thé chaud.
Je vais rester ici pour repos et réparation, la journée a été éprouvante mais me fais déjà sourire, cela ne peut pas être comme ça tous les jours.
Je repense à John qui m'avait avisé de changer mes pneus quand Amélie m'a rejoint en Ethiopie, j'aurai écouté ces conseils.